Archives pour la catégorie Critiques

Vers le bleu, roman tourbillonnant

Chère Sabrina,

Je tourbillonne encore, même si le roman est refermé. Vers le bleu, roman tourbillonnant. Ce tourbillon-là est ensoleillé, empathique, généreux.

Quel rythme ! Et vas-y que je t’embarque dans une histoire sociale à la Ken Loach. Et hop, je t’emmène aussi dans une histoire cocasse à la Little Miss Sunshine. Attends voir que je t’emporte dans une histoire d’amour à la Je t’aime, moi non plus. Allez, viens, suis-moi dans une intrigue policière et environnementale à la Kusturica.

Je le sais, si ton roman est si délicieux, c’est qu’il cache un grand travail. Comme les grands danseurs qui paraissent flotter avec aisance, comme les musiciens qui feraient croire à une partition facile, ce foisonnement efficace est le résultat d’une profonde recherche d’écriture.

Après cette valse parfaitement menée, je suis heureuse de garder un peu le tournis.

Bien à toi,

Claire

Sabrina Bensalah, Vers le bleu, Sarbacane, collection Exprim, 15,50€

L’Univers, Reeves, Casanave

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Merci Hubert ! Si tu n’étais pas là, il faudrait t’inventer. Quelque part entre le grand-père gâteau, le prof enthousiaste, l’ami chaleureux, il y a le grand Hubert Reeves.

C’est ça un grand savant, rendre limpide et passionnante une chose aussi complexe que la création de l’Univers.

La lecture de la bande dessinée L’Univers fut pour moi un moment d’exaltation. Son petit format rend l’objet non impressionnant : la couverture me dit en substance « c’est bon, tu peux y aller, cette question est pour toi, tu vas comprendre » … Sa qualité formelle – papier, couleurs, mise en page – le rend précieux : pour ma part, je le conserve, je le range soigneusement, à disposition à tout instant, je l’offre, le conseille…

Et pour ajouter à la limpidité du discours, les propos d’Hubert Reeves sont illustrés par les dessins de Daniel Casanave qui soutiennent la compréhension de façon remarquable.

Et je retiens que « nous avons tous un domaine d’activité sur lequel s’étend notre influence : famille, profession, milieu social », qu’il y a un sens à notre passage dans l’univers, qu’« il s’agit d’œuvrer à embellir le monde ».

Oui, Hubert se situe aussi du côté de l’artiste, du curé, du philosophe.

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Hubert Reeves, Daniel Casanave, L’Univers, La petit bédéthèque des savoirs, 10€

L’arche des animaux, Marianne Dubuc

De même petit format carré épais, Au carnaval des animaux, sorti en 2012, nous avait ravis (voir la critique ici). Quant à l’imagier-aventure Devant ma maison, depuis 2010, son succès ne s’est jamais démenti.

La nouvelle aventure animalière et picturale que recèle L’arche des animaux est tout aussi entraînante. Suite à un déluge, les animaux embarquent sur l’arche. Les images s’enchaînent, dévoilant la vie de chacun à bord du bateau.

Marianne Dubuc, L’arche des animaux, Casterman, 14,90€

Aloys, Sarah Turoche-Dromery

Selon la coutume qui voulait que les familles nobles offrent un enfant à l’Eglise, Aloys a été donnée, à l’âge de 6 ans, par son père à une abbaye. Avant la prononciation de ses vœux définitifs, le doute asseye la jeune fille, une envie de liberté l’envahit qui lui donne le courage d’imaginer la fuite. Aloys ne peut imaginer passer sa vie dans cette prison, ne pas connaître le monde au-delà des murs de l’abbaye.

L’originalité du décor peint très justement par l’auteure – celui d’une prison religieuse au Moyen-Âge, et l’originalité du choix du personnage principal – une jeune nonne, n’empêchent nullement l’universalité du propos. Et c’est ce qui force ici l’admiration. L’aspiration à la liberté, le doute intérieur sont parfaitement exprimés. On sent Aloys rongée, déchirée entre la culpabilité qu’elle ressent, et son désir plus fort d’émancipation. L’aventure palpitante que renferme ce beau roman est tout intérieure.

Aloys

Sarah Turoche-Dromery, Aloys, Editions Thierry Magnier, 11,50€

La Guerre des Lulus

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La série de bandes dessinées réunit, entre autres ingrédients, deux thèmes chers à la littérature.

L’enfant orphelin est une figure archétypale de la littérature pour la jeunesse, sans doute parce qu’elle permet la centration du lecteur sur le sujet enfant et, partant, l’identification immédiate.

La guerre est un décor prisé par les auteurs parce qu’elle implique l’extrême, l’extraordinaire, l’aventure.

Etrangement, aucune bande dessinée destinée à la jeunesse ne s’était jusque-là attelée au sujet de la première guerre mondiale. C’est chose faite – et très bien faite ! – avec la série La Guerre des Lulus, qui commence en 1914 et met en scène Ludwig, Luigi, Lucas et Lucien, les Lulus, quatre gamins abandonnés vivant dans une maison tenue par un gentil abbé.

L’action se situe au Nord-Est de la France, dans l’Aisne, juste derrière les lignes allemandes. Les villageois doivent quitter les lieux pour fuir les frappes ennemies. Partis jouer dans les bois au moment de l’évacuation, les Lulus se retrouvent livrés à eux-mêmes. Ils sont bientôt rejoints par une fille elle aussi esseulée, Luce, qui devient la cinquième Lulu.

Quatre tomes sont pour l’instant disponibles, qui mêlent habilement l’aventure à hauteur d’enfant et la grande Histoire d’une part, l’ancrage régional et la situation mondiale d’autre part. Les personnages prennent corps dès le premier tome, tant les dialogues et les illustrations sont expressifs. On éprouve un immense plaisir à les suivre.

La Guerre des Lulus, Régis Hautière (scénariste), Hardoc (dessinateur), Casterman, 12,95€, à partir de 9 ans

1914, La maison des enfants trouvés

1915, Hans

1916, Le tas de briques

1917, La déchirure

Le pire anniversaire de ma vie, Benjamin Chaud

Dans un univers coloré à dominante de vert, jaune et rouge, Benjamin Chaud décline des graphismes variés sur des tapisseries, des tissus, des végétaux. Son univers est, comme de coutume, accueillant, douillet, souriant.

Tout commence pourtant assez mal pour le narrateur. Ce jour-là, celui de l’anniversaire de son amoureuse, aurait dû être merveilleux, mais le narrateur enchaîne les catastrophes. La déception est à la mesure du fiasco.

On peut garder son sourire, car la fin, bien entendu, saura réchauffer les cœurs…

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Benjamin Chaud, Le pire anniversaire de ma vie, Hélium, 14,90€

Suivez le guide!, Princesse Camcam

Déjà vue la promenade, page après page, dans un vieux manoir ? Déjà fait le coup des volets à soulever ? Que l’on croit ! Princesse Camcam démontre que le sujet n’est pas épuisé. Avec ses illustrations savoureuses, elle nous emporte, dès la couverture, dans une formidable balade à travers les pièces de l’antique maison. Celle-ci est habitée par un chat, une chienne et ses trois chiots, accessoirement aussi par quelques humains. Le matou propose aux chiots curieux de le suivre pour une visite guidée du manoir et les met en garde, au cours de la visite, contre les dangers de la maison. Les petites mains délicates qui soulèvent les volets rient de découvrir qu’en fait de dangers, on trouve, dans les recoins et placards, toute une ménagerie inoffensive.

On apprécie le travail minutieux, la précision de l’illustratrice qui, pour le plaisir du lecteur, ne ménage visiblement pas son effort.

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On retrouve le même souci du détail, le même soin apporté aux couleurs et donc le même plaisir de lecture dans Suivez le guide ! Promenade au jardin. Beaucoup de fenêtres à ouvrir aussi, des petites et des grandes, égayent la promenade. On voudrait que ce jardin aux multiples recoins, au délectable fouillis, à la flore luxuriante soit le nôtre.

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Princesse Camcam, Suivez le guide ! , Casterman, dès 4 ans, 14,50€

Princesse Camcam, Suivez le guide ! Promenade au jardin, Casterman, dès 4 ans, 14,50€

 

Il était trop de fois

En rose fluo, plutôt qu’en rose pastel, s’ouvrant par le haut et non par le côté comme habituellement, ce tout petit album a tout d’un impertinent.

Contre le politiquement correct, les histoires bien sages et la censure des adultes pensant bien penser, voici Il était trop de fois de Muriel Zürcher et Ronan Badel.

Drôle, déjanté… et libre !

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zoom

Muriel Zürcher, Ronan Badel, Il était trop de fois, Thierry Magnier, 10,90€, pour tous ceux qui apprécient le second degré.

Alyssa, bande dessinée

C’est ainsi : le lecteur tombé dans le premier tome voudra lire les suivants. La série en compte pour l’instant trois, et l’on guette patiemment la sortie du numéro 4 pour septembre…

Alyssa est une héroïne originale dans laquelle chacun peut toutefois se reconnaître. La réussite de la bande dessinée tient dans cette réflexion sur l’exigence de conformité qui caractérise les adolescents, et pas seulement les adolescents ! Parallèlement à cette envie de normalité, on a tous en même temps le besoin et le sentiment de posséder quelque chose qui nous différencie et nous donne de la valeur. C’est ce qui nous rapproche d’Alyssa.

Alyssa est une jeune adolescente au QI de génie qui tente de cacher ses capacités pour devenir amie avec les filles cool du collège : « C’est dur d’être comme tout le monde quand on est tellement supérieur ! ». Il s’agit d’une série-gag : chaque planche peut en effet être lue indépendamment et susciter le rire et l’enthousiasme.

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Mais la forme en sketchs n’empêche pas l’histoire d’avancer. Au fil des planches, on voit avec plaisir les personnages évoluer, les relations se nouer, et au final, le récit de ces années collège se construire.

Isabelle Bauthian (texte), Rebecca Morse (illustration), Virginie Blancher (couleur), Alyssa, tome 1 : Un QI de génie, tome 2 : Sélection naturelle, tome 3 : La théorie de l’attraction, éditions du Soleil, 10,95€, dès 9 ans