Archives pour la catégorie Les humeurs du comité de lecture

Franz, Dora, la petite fille et sa poupée

Berlin, années 20. Jeux de billes, bicyclette, chapeau cloche, échanges épistolaires.

L’histoire est d’abord celle de Franz et Dora, promeneurs au parc. Malgré la maladie de Franz, c’est leur tendresse et leur amour qui se déploient dans le texte et les illustrations. Une rencontre avec une petite fille donne un dernier soubresaut littéraire à Monsieur Franz, qu’on sait fatigué, que le lecteur devine grand artiste :

Pour consoler Ingrid, une petite fille du parc qui a perdu sa poupée, Monsieur Franz lui dit que cette dernière est partie en voyage. Les lettres qu’il invente alors pour Ingrid racontent le périple de la poupée et redonnent le sourire à la petite fille. Franz a enfin « le sentiment d’avoir réussi quelque chose avec ses mots ».

Franz Dora p8-9

Berlin, années 20. Jeux de billes, bicyclette, chapeau cloche, échanges épistolaires.

C’est le décor des derniers mois de Franz Kafka, qui est en fait le protagoniste principal de cette histoire réellement arrivée. Sachant cela, le lecteur s’envole encore plus haut dans les sphères littéraires, la chance lui est donnée de relire le livre pour côtoyer encore le grand écrivain.

Franz, Dora, la petite fille et sa poupée, Didier Lévy, Tiziana Romanin, Sarbacane, 15,90€

Oh, boy !, Marie-Aude Murail

Épatant de raffinement, gorgé d’humour, ce roman peut réussir deux prouesses :

  • réconcilier les jeunes récalcitrants à la lecture avec les livres
  • faire entrer avec bonheur les adultes qui ne comprennent pas ce que d’autres vont y chercher en littérature jeunesse

Pas moins.

ClaireD

Oh, boy !

Oh, boy !, Marie-Aude Murail, École des loisirs, 6,80, dès 12 ans

MARCEL ET GISELLE

MARCEL ET GISELLE

Natali Fortier

Editions du Rouergue

 

Marcel et Giselle comme de lointains parents d’Hansel et Gretel ?

Ca sonne pareil dans le titre mais au-delà d’un fil conducteur similaire, le récit est bien différent, les personnages aussi.

A vrai dire, nous entrons plutôt dans une pièce de théâtre que dans un conte. Le programme est planté dès l’ouverture avec la présentation des rôles de chacun et dès le lever de rideau, le lecteur se trouve littéralement happé par ces personnages, plus personnes réelles que héros ou héroïnes qui nous parlent, dans une adresse directe. On est tellement dans l’écoute de ces voix, aux mots parfois mystérieux mais seulement québécois, tellement dans l’empathie, dans le souci de ce qu’ils vivent, traversent, comme suspendus à leurs lèvres que c’est une fois rendus, à la fin du récit, que l’on se dit qu’on a tout entendu… mais rien vu ! Et de repartir pour une nouvelle lecture, nouvelle aventure picturale que l’on savoure, cette fois, après le rythme soutenu du premier passage, trop heureux de plonger dans un univers onirique, foisonnant, aux dimensions très particulières, décalées.. en un mot imaginaire et qui complète à merveille la traversée de toute cette histoire.. parce qu’il y en a une. Une à plusieurs voix, qui raconte la misère qui pousse à la déprime, chamboule les familles, chasse les enfants sur les chemins pour découvrir un autre monde où la douceur acidulée digne des meilleures confiseries se révèle piégeuse et effrayante… même si, ici, l’ogresse est une chanteuse, Armande qui elle aussi, a son vécu. Des parcours qui s’entremêlent pour tisser une fin inattendue.

Un album à découvrir seul ou encore mieux, en lecture partagée.

Rien que pour la gourmandise, nous reprendrons bien quelques tranches de texte.

« Ca fait qu’ils ont décidé comme ça, sans prendre la peine de m’en parler, de partir. Oh là là là ! Si j’avais su ! Maudit. »

«  Je suis navrée mon p’tit gars, j’ai quitté ma famille, toute jeunette, je voulais rompre avec cette tradition bien niaiseuse de manger des enfants ; mais là, c’est pas pareil, c’est pour la bonne cause. C’est pas par gourmandise, c’est pour la science ! »

«  La peur m’a pognée au cœur. J’ai plus dit un mot, elle voulait juste que je mange, mais moi là, c’était fini, sans toi, j’avais le ventre noué. Je ne pouvais plus rien avaler. »

 

Sylvie Heyraud

LE PETIT CHAPERON ROUGE n’a pas tout vu

LE PETIT CHAPERON ROUGE n’a pas tout vu

Mar Ferrero/ Gallimard Jeunesse Giboulées

 

L’histoire démarre comme le conte d’origine. On croit emprunter les mêmes sentiers et nous voilà aiguillés sur des chemins de traverse, pilotés par le point de vue des protagonistes. Ca ressemble au petit chaperon rouge et pourtant, rien ne se déroule comme dans l’original… C’est et ce n’est pas, le petit chaperon rouge !

Chaque personnage, acteur ou témoin de l’histoire nous raconte tout simplement comment les choses se passent. Ils interviennent comme s’ils étaient appelés à tour de rôle, à la barre, dans un registre très oralisé, immédiat qui nous interpelle, nous happe pour notre plus grand plaisir : «  J’étais en train de chercher des truffes dans les bois quand une petite fille avec un manteau rouge à capuche m’est tombé dessus. Elle m’a flanqué une trouille pas possible parce que les humains ont la manie de m’attaquer.. » On sourit, complice et amusé : «  Vous connaissez certainement la fin de l’histoire.. » C’est pour mieux… la découvrir différente, forcément ! Elle vous apprendra pourquoi, le petit chaperon rouge n’a pas tout vu..

L’auteur zoome sur les figurants, les petits animaux des bois, leur donnant un rôle prépondérant : «  Nous avons immédiatement élaboré une réunion d’urgence, et élaboré un plan d’attaque. Mais ce satané loup.. » Alors que le chasseur disparaît du scénario mais pas complètement non plus.. il rôde toutefois dans les illustrations !

Des illustrations toutes simples avec des touches d’humour qui racontent aussi ce que l’histoire parfois ne dit pas.. jusqu’au joli supplément sur la quatrième de couverture.

Un bon petit format pour de nouveaux lecteurs, entre autres, curieux et tout heureux de découvrir, par eux-mêmes, le petit chaperon rouge tel qu’on ne leur l’a encore jamais lu ! Jubilation garantie, même pour les plus grands, les plus avertis… car ils n’ont pas tout vu !

Sylvie Heyraud

 

LE PETIT CHAPERON ROUGE n’a pas tout vu

Mar Ferrero/ Gallimard Jeunesse Giboulées/10,50 euros

 

Plus de morts que de vivants, Guillaume Guéraud

On retrouve, sans surprise, l’univers désespéré et violent de l’auteur. Mais cette fois la noirceur ne vient pas de l’être humain mais d’un virus foudroyant qui s’attaque à la population d’un collège. Dès le matin il infecte trois élèves dont le corps se décompose et explose en quelques minutes. Les secours arrivent, soignants, pompiers, chercheurs et même l’armée, mais tous sont impuissants face à la foudre qui s’abat sur eux et transforme le collège en charnier. L’établissement est zone interdite, plus personne ne peut sortir… les personnages que l’auteur nous donne à suivre se sentent des otages voués à périr. Quatre d’entre eux réussiront à s’enfuir… au moment où on apprend que le virus, abrité par un fœtus, est mort, mais que tous ceux qui ont été sur place sont infectés…

L’auteur sait particulièrement transcrire les pensées et les sentiments des adolescents qui, en 24 heures, quittent le monde de l’enfance. C’est un texte qui se lit d’une traite car, malgré l’horreur de la situation, il est porté par la langue vraie et directe de Guillaume Guéraud.

Catherine

Plus de morts que de vivants, Guillaume Guéraud, Rouergue, 13,70€

Les petites reines, Clémentine Beauvais

A la lecture de Comme des images, j’avais décidé que Clémentine Beauvais serait mon amie. Pas dupe et même pas jalouse (les amis, ça se partage), j’imagine bien qu’elle compte davantage de fans à chaque publication. Mais je persiste dans mon amitié : elle m’a une nouvelle fois épatée. Son dernier roman est d’une drôlerie, d’une inventivité et d’une efficacité à couper le souffle. On voudrait se souvenir des sorties pleines d’esprit de la narratrice. D’où sort-elle ce sens inouï de la répartie? (Moi, de la répartie, j’en aurais, mais le lendemain…, comme dirait François Morel !)

Couv_Les petites reines
Les petites reines, Clémentine Beauvais, Roman ado Exprim’ Sarbacane, avril 2015, 15,50€

Mireille Laplanche est élue Boudin d’Or de son lycée de Bourg-en-Bresse depuis trois ans. Cependant, cette année, elle est seulement Boudin de Bronze. Heureuse déception! Elle rencontre Hakima et Astrid, respectivement Boudin d’Argent et Boudin d’Or, et les trois jeunes filles s’aperçoivent qu’elles ont quelque chose en commun. Quelque chose qu’il faut aller chercher le 14 juillet, à la garden-party du palais de l’Elysée, à Paris…
Pour se simplifier la vie, autant y aller à vélo, en vendant du boudin, avec le grand frère vétéran de guerre d’Hakima, non?
Un road-trip déjanté et comique, 100% made in France, avec de la vraie cuisine du terroir et des colorants naturels.

ClaireD