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J’ai vécu la Première Guerre mondiale

Ceux qui pouvaient prononcer cette phrase ne sont malheureusement plus de ce monde. En 2004, le journaliste Jean-Yves Dana avait recueilli le témoignage de trois anciens poilus pour la collection « J’ai vécu » chez Bayard. Dix ans séparent la présente réédition de cet excellent ouvrage de sa première publication. Ces dix années, tout en creusant l’écart temporel – les trois témoins sont décédés depuis, renforcent un sentiment confondant : on porte, chacun, chacune, décidément, encore et toujours, le deuil des morts de cette guerre. Les mots de Claude-Marie Boucaud, Albert Thibaut, Ferdinand Gilson, mobilisés en 1914, 1915 et 1917, sont rapportés de façon simple : on les lit, et on les entend. Braves parce qu’ils n’avaient pas le choix, conscients de leur chance d’en être sortis, ces trois hommes ayant vécu l’horrible expérience de la Première Guerre mondiale nous apparaissent dans leur fragilité d’Homme. Les images, photos, cartes, documents qui accompagnent le livre contribuent à l’aisance de la lecture. Mais parmi toutes ces photos, il en est trois qui sont à mes yeux les plus belles et les plus émouvantes : les portraits de ces trois vieux jeunes hommes en 2004. Tendrement, nous souriant et nous englobant de leur regard, ils semblent nous – lecteurs d’un autre temps – prendre sous leur protection.

ClaireD

J’ai vécu la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Jean-Yves Dana, Bayard Jeunesse, 2004, c2014, documentaire à partir de 12 ans, 11,90€.

 

14-18, Dedieu

À moi aussi, les mots manquent. J’ai reçu une claque.

L’album de Dedieu, immense, nous confronte à l’horreur.

Voici l’incipit : « Hélas, ma chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. »

Gustave, auteur de la laconique lettre, se tait. Et la guerre est racontée par les images, poignantes parce que sublimes et terrifiantes. Et l’horreur croît, de pages en pages, jusqu’aux deux images finales, difficilement supportables.

L’enveloppe fixée sur la couverture donne le point de vue d’Adèle qui, de l’autre côté, subit aussi, mais d’une autre façon, la guerre.

14-18Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux, Seuil, 18€, à partir de quel âge ?… pas trop tôt, le plus tard possible en fait…

ClaireD

 

Le baron bleu

Un baron se met à larguer de son avion ce qu’il a à sa disposition pour participer à l’effort de guerre : des livres, toutes sortes de livres. C’est presque par hasard qu’il découvre que ses projectiles peuvent provoquer des effets inattendus, jusqu’à l’arrêt des combats.

On a déjà vu des livres traiter de la force des livres et ce thème pourrait finir par devenir agaçant de bons sentiments. C’est parce qu’il emprunte un chemin évitant la facilité que Le baron bleu retient l’attention.

La première page est une planche de bande dessinée couleur sépia. Changement de cap, déviation : dès que le baron entre en scène, dans son avion, le compartimentage en vignettes est abandonné et chaque image s’étale, à fond perdu, sur l’espace coloré de la double-page : comme le baron, le lecteur est invité à prendre un peu de hauteur.

L’emploi du passé simple, les phrases courtes, les relations de cause à effet donnent l’illusion d’un récit d’exploit de guerre. Mais le lecteur est embarqué dans un tout autre type de récit, qui réjouit par son côté farfelu.

Pas dupes sur la difficulté à traiter le sujet, celui du poids des mots, Baum et Dedieu évitent le premier degré. C’est dans cette apparence de simplicité qu’il faudra chercher le message. La simplicité du style façon compte-rendu fait d’autant mieux ressortir les jeux de mots et partant, ce fameux poids des mots.

Comme le baron, le lecteur est amené, presque par hasard, à cette conclusion : les livres ne sont pas des projectiles comme les autres.

Le baron bleu, Baum, Dedieu, Seuil jeunesse, 2014, 12,90€, dès 5 ans

ClaireD

Flon-Flon et Musette

Petit miracle que ce livre. Elzbieta y réussit le tour de force de parler vrai, même aux plus petits, d’une grave réalité. Avec la bonne distance, mais en la nommant, elle fait de la guerre le sujet de son livre. Dans les illustrations, cette distance est figurée par la fenêtre, cadre de sécurité, et les voiles des rideaux, atténuateurs de malheur.

La guerre sépare Flon-Flon et Musette, fait partir le père de Flon-Flon, mais les deux amis se retrouvent, le père rentre, et l’espoir est présent.

Une phrase magnifique mérite d’être citée : « Les enfants sont trop petits pour réveiller la guerre. »

Hugo, Prévert, Éluard, mais aussi Dolto, auraient certainement aimé.

Elzbieta, Flon-Flon et Musette, L’école des loisirs, 5,60€, dès 4 ans (première parution 1993, sélection Éducation Nationale pour le cycle 2)

ClaireD