Frères, Kwame Alexander

L’univers du basket t’est peut-être totalement étranger.

L’idée d’un roman écrit en vers n’est pas nécessairement faite pour t’attirer.

Pourtant, ce roman saura t’emporter.

Car dans ce décor et ce milieu particuliers, Frères nous parle de relations – familiales, fraternelles, amoureuses, de destins et de choix, dans une langue à la fois délicate et juste. Pour Josh et Jordan, jumeaux, le basket est une histoire de passion et de famille. Le père, lui-même autrefois star du ballon, et la mère, dont la présence bienveillante illumine le roman, sont attentifs à faire de leurs fils des sportifs, certes, mais aussi de bonnes personnes. Pas étonnant que ce roman qui slame, qui danse, qui swingue, soit un bestseller aux Etats-Unis.

Frères, Kwame Alexander, Albin Michel, 13,50€

Le musée imaginaire de Jane Austen, Nathalie Novi, Fabrice Colin

What? Jane Austen? Wait, wait, je me prépare une cup of tea et j’arrive.

Nathalie Novi, désormais peintre officielle des romans de Jane Austen, avait déjà produit un bel album faisant référence à l’univers de l’auteure anglaise de génie (voir notre chronique ici). Toutes les occasions sont bonnes de savourer encore et toujours ses histoires de raison, de sentiments, d’apprécier la force de ses héroïnes, de se régaler de la langue de ses romans, d’apprécier sa finesse, son esprit. Avec Le musée imaginaire de Jane Austen, Nathalie Novi propose de s’immiscer d’une nouvelle façon dans le monde de Lizzy, Emma, Marianne, etc. et rend hommage à la grande Jane, dont on célèbre cette année le bicentenaire de la mort. Fabrice Colin signe les textes qui accompagnent les peintures aux sublimes couleurs de Nathalie Novi.

Fabrice Colin, Nathalie Novi, Le musée imagianire de Jane Austen, Albin Michel, 25€

Coink, Lionel Le Néouanic

Même s’il essaie quantité de choses, s’il convoque une multitude de matériaux, l’univers de Lionel Le Néouanic est unique et reconnaissable entre mille. La caractéristique de l’auteur-illustrateur-graphiste-musicien tient peut-être dans cette tendance qu’il a à tout oser. Il ose les matières, mais il ose aussi le décalage des concepts, l’entremêlage des mots. Illustrateur des pochettes des Têtes raides, membre des Chats pelés, Lionel Le Néouanic en revient toujours à la musique. Avec Coink, il rend hommage à la musique en général, la musique comme concept. Omniprésente, irréductible, la musique prend toutes les formes, toutes les couleurs. L’éclectisme de l’ouvrage est sa raison d’être. Chaque page sonne différemment, invoque tantôt la mélancolie, la cacophonie, la farce ou le jeu, mais toujours, toujours, fait naître la poésie.

Coink, Lionel Le Néouanic, Rouergue, 19€

Les voisins, Einat Tsarfati

Avec cet album, monter les étages un à un, jusqu’au septième, est une partie de plaisir!

On suit la petite fille, on s’arrête à chaque palier, et on imagine… La fillette semble connaître les appartements de ses voisins, mais il se peut bien que tout cela ne soit que le travail extraordinaire de son imagination… derrière lequel se cache celui d’une auteure-illustratrice talentueuse qui nous embarque dans ses pages, sans livrer de réponses.

Les voisins, Einat Tsarfati, traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech, Cambourakis, 14€

Tu seras ma princesse, Marcus Malte, Régis Lejonc

La poésie demande toujours un petit effort. C’est ainsi, peut-être, que l’on entre dans ce livre sans hâte, avec un peu de flegme, prudemment. Mais une fois au coeur de l’album, on en ressort avec regret, comme on sort du fond de son lit, ou d’un bon bain chaud. La plongée dans le texte et l’illustration fait surgir de multiples images, rêves, sensations que l’on voudrait prolonger.

Le dernier mot nous révèle qui est le “je” de l’album – un futur papa, mais ce pourrait tout aussi bien être une mère, un prince charmant. Le texte décline tout ce que le père offre à sa princesse. Les images regorgeant de citations iconiques sont tout autant remplies de promesses. Le monde qui attend l’enfant est complet, généreux, tellement enthousiasmant. Cet album est une véritable ode à la vie.

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Tu seras ma princesse, Marcus Malte, Régis Lejonc, Sarbacane, 18€

Le jardin du dedans-dehors, Chiara Mezzalama, Régis Lejonc

Avec son trait épais, ses couleurs riches, l’image de couverture attire, de même que le format du livre, l’épaisseur du papier. Derrière cette image de carte postale – frère et soeur se tenant par la main dans un décor chatoyant -, la terreur gronde en rouge et noir. Chiara Mezzalama, l’auteure-narratrice, explique : son père devient en 1980 ambassadeur d’Italie en Iran alors que le pays subit la révolution islamique et l’invasion irakienne. Le jardin de l’ambassade devient un paradis pour les jeux qu’elle partage avec son frère, sans qu’ils ignorent toutefois la guerre de l’autre côté. Un jour, un garçon venant du “dehors” entre dans le jardin. La narratrice se souvient.

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Le jardin du dedans-dehors, Chiara Mezzalama et Régis Lejonc, Les éditions des éléphants, 15€

Socrate, un homme dangereux

Ecrire un ouvrage de vulgarisation sur la vie et la pensée de Socrate est ambitieux et courageux. C’est parce qu’il connaît son sujet et y met visiblement beaucoup de passion que Christopher Bouix réussit ce pari. On voit évoluer Socrate dans l’Athène de Périclès, on le voit partir à la guerre, se former à la philosophie, on le voit dialoguer encore et toujours, côtoyer Alcibiade, Aristophane et autres grands noms de cette période sur laquelle on apprend énormément. Plus on avance dans la lecture, avec plaisir, plus Socrate se rapproche, devient notre compagnon. Philosopher comme Socrate, oui, c’est convaincant, ça peut être ici et maintenant.

Socrate, un homme dangereux, Christopher Bouix, école des loisirs, Médium +, 16,50€

Neverland, Timothée de Fombelle

Le premier livre adulte de Timothée de Fombelle? Vraiment? Cette affirmation est peut-être vendeuse mais elle mérite d’être nuancée.

Certes, Timothée de Fombelle s’adresse avec Neverland à un lectorat adulte, mais il s’adresse surtout à l’enfant que l’adulte a été, à ce noyau qui le constitue. La réalité éditoriale est souvent trop binaire.

Certes, Timothée de Fombelle propose ici une réflexion littéraire à hauteur d’adulte, mais dans la continuité de ses ouvrages précédents : quête, voyage, initiation sont au coeur de l’ouvrage. Et dans le dialogue entre ses oeuvres, la magie Timothée se dévoile un peu.

Ceux qui connaissent l’écriture de Timothée de Fombelle trouvent ainsi à la lecture de Neverland une confirmation de ce qu’ils savent déjà : l’auteur est en très grande connivence avec l’enfant que, comme chacun de nous, il porte en lui. On ne s’étonne donc pas mais on admire – ô combien on admire – une nouvelle fois la prodigieuse sensibilité qui affleure à chaque phrase. On voudrait devenir Timothée et savoir exprimer avec autant de justesse ces souvenirs, ces sensations, ces trésors de l’enfance.

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Neverland, Timothée de Fombelle, éditions L’iconoclaste, 16€

Littérature jeunesse vs littérature adulte

Sur son site, notre bien-aimée Clémentine Beauvais a cette brillante formule :

“Les adultes doivent apprendre à accepter l’existence d’une littérature d’excellence dont ils ne sont pas les destinataires privilégiés.”

C’est la conclusion d’un billet passionnant, drôle et argumenté sur LA question de la distinction entre littérature jeunesse et littérature adulte.

Songe à la douceur