Archives pour la catégorie Critiques

Comme des images, Clémentine Beauvais

commedesimagesDis, Clémentine, tu veux bien être ma copine ? Clémentine Beauvais a tout pour plaire, jeunesse, talents, beauté ; alors plutôt que de me laisser happer par la jalousie, je choisis de m’en faire une amie. Et à partir de maintenant, c’est-à-dire maintenant que j’ai lu un de ses romans, je décide de la suivre, j’attendrai ses prochaines publications avec enthousiasme.

En commençant Comme des images, je m’attendais à un roman ado sympa, qu’on lit avec plaisir, qu’on oublie vite. On le lit vite, c’est sûr, on le dévore. On ne l’oublie pas si vite.

Le décor est celui du lycée Henri IV, et les protagonistes sont des lycéens de ce prestigieux établissement. Parce qu’ils évoluent dans ce monde, la plupart du temps depuis leur naissance, ils sont promis au plus bel avenir. Ils sont pourtant parfois tout aussi désemparés que les autres adolescents face aux questions de la vie, et souvent plus soumis au formatage et à la pression. L’auteur possède la pleine conscience du monde on ne peut plus contemporain qu’elle dépeint. Cette lucidité est déjà remarquable mais c’est le recul dont Clémentine Beauvais se montre ici capable qui donne au roman sa subtile substance. Le lecteur ressent cette proximité avec les états d’âme des personnages et n’en est que plus troublé. Construit avec intelligence, complexe et judicieux du point de vue de la narration, Comme des images interroge notre rapport à l’image, aux images. Il redit que toutes ces images, de soi, des autres, sont bien souvent illusoires et qu’elles conditionnent notre rapport dramatiquement artificiel aux autres.

Clémentine Beauvais, Comme des images, Sarbacane, 2014, 14,90€.

ClaireD

14-18, Dedieu

À moi aussi, les mots manquent. J’ai reçu une claque.

L’album de Dedieu, immense, nous confronte à l’horreur.

Voici l’incipit : « Hélas, ma chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. »

Gustave, auteur de la laconique lettre, se tait. Et la guerre est racontée par les images, poignantes parce que sublimes et terrifiantes. Et l’horreur croît, de pages en pages, jusqu’aux deux images finales, difficilement supportables.

L’enveloppe fixée sur la couverture donne le point de vue d’Adèle qui, de l’autre côté, subit aussi, mais d’une autre façon, la guerre.

14-18Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux, Seuil, 18€, à partir de quel âge ?… pas trop tôt, le plus tard possible en fait…

ClaireD

 

Le baron bleu

Un baron se met à larguer de son avion ce qu’il a à sa disposition pour participer à l’effort de guerre : des livres, toutes sortes de livres. C’est presque par hasard qu’il découvre que ses projectiles peuvent provoquer des effets inattendus, jusqu’à l’arrêt des combats.

On a déjà vu des livres traiter de la force des livres et ce thème pourrait finir par devenir agaçant de bons sentiments. C’est parce qu’il emprunte un chemin évitant la facilité que Le baron bleu retient l’attention.

La première page est une planche de bande dessinée couleur sépia. Changement de cap, déviation : dès que le baron entre en scène, dans son avion, le compartimentage en vignettes est abandonné et chaque image s’étale, à fond perdu, sur l’espace coloré de la double-page : comme le baron, le lecteur est invité à prendre un peu de hauteur.

L’emploi du passé simple, les phrases courtes, les relations de cause à effet donnent l’illusion d’un récit d’exploit de guerre. Mais le lecteur est embarqué dans un tout autre type de récit, qui réjouit par son côté farfelu.

Pas dupes sur la difficulté à traiter le sujet, celui du poids des mots, Baum et Dedieu évitent le premier degré. C’est dans cette apparence de simplicité qu’il faudra chercher le message. La simplicité du style façon compte-rendu fait d’autant mieux ressortir les jeux de mots et partant, ce fameux poids des mots.

Comme le baron, le lecteur est amené, presque par hasard, à cette conclusion : les livres ne sont pas des projectiles comme les autres.

Le baron bleu, Baum, Dedieu, Seuil jeunesse, 2014, 12,90€, dès 5 ans

ClaireD

Zoom, Istvan Banyai

Sorti en 1995, Zoom, publié dans 18 pays, est devenu un bestseller international. Ce succès s’explique aisément par l’expérience, universelle, que cet incroyable album sans texte fait vivre et qui peut être partagée par les enfants et les adultes. Il fonctionne sur un principe, le zoom arrière. Chaque image est comprise dans une autre :

zoom1zoom2

zoom3

zoom4

zoom5

 

 

Du vertige en papier.

Zoom, Istvan Banyai, Circonflexe, 13€, à partir de 4 ans

ClaireD

Avant après

AVANT_APRES-2

AVANT_APRES-6AVANT_APRES

A la vue de ces merveilleux tableaux, nul doute que vous n’ayez envie de plonger dans Avant après, ouvrage à 4 mains d’Anne-Margot Ramstein et Matthias Aregui.

Cet album épais, une centaine de doubles-pages éblouissantes, sans texte, entraîne l’imagination du lecteur et fait jaillir les mots. Conçu comme un livre avec un début (ou un lever de rideau) et une fin que je vous laisse découvrir, avec une succession de moments qui donnent à rire et à penser, Avant après autorise aussi le picorage, le saut de pages, le retour en arrière.

Le sujet est le temps. On enjambe les époques, on parcourt une vie, on saisit l’immédiateté, on mesure l’évolution, on constate le déclin. Ainsi la poésie des images convoque la métaphysique.

Avant après est beau et rend intelligent.

Avant après, Anne-Margot Ramstein, Matthias Aregui, Albin Michel jeunesse, 19,50€.

ClaireD

Les cinq malfoutus, Beatrice Alemagna

Il y a plein de façons d’être un malfoutu. Celles qu’a imaginées, textuellement et visuellement, Beatrice Alemagna sont très inspirées : chacun des cinq malfoutus est respectivement troué, plié, tout mou, à l’envers, ou raté !

Lorsque le parfait, celui qui n’a rien à se reprocher, entre dans leur univers et les blâme, une brève remise en question a lieu. Mais chacun est amené à trouver un bel avantage à sa singularité. Et le parfait, resté seul avec sa perfection, n’a plus qu’à méditer sur la théâtrale sortie des cinq malfoutus.

On peut finalement être assez parfaitement malfoutu.

les-cinq-mal-foutus-de-beatrice-alemagna-972255443_ML

Beatrice Alemagna, Les cinq malfoutus, Hélium, 14,90€

ClaireD

Loup un jour

Loup un jour…

… Loup toujours, précise la quatrième de couverture…

Hé hé, on aurait dû se méfier!

Loup un jour, Céline Claire et Clémence Pollet, Rouergue, 2014, 15€, dès 3 ans.

ClaireD

Extra-doux

Le fil conducteur de cet album est justement un fil, celui de la pelote très spéciale qu’Annabelle trouve un jour dans une boîte. Ce fil traverse les pages, de la première à la quatrième de couverture et, tricoté par les doigts d’Annabelle, permet de parer d’habits colorés les gens, les animaux, mais aussi les maisons, les véhicules.

Les mots ne sont jamais en trop et laissent souvent parler l’image. Extra-doux, tant dans la forme que dans le contenu, c’est le triomphe de la simplicité. Annabelle tricote, tricote, et ce simple fait de tricoter rend la vie plus belle. Le geste est simplement généreux, et cette générosité n’a pas vocation à s’étioler, comme ce fil qui jamais ne s’épuise. Ce fil magique qu’un puissant archiduc convoite se révèle invisible à ses yeux : il semble bien que celui-là ne connaît pas la magie des gestes simples.

Extra-doux, Mac Bernett (texte), Jon Klassen (ill.), Milan, 2014, 9,90€, dès 5 ans.

Le panier / La sorcière, sa fille et le loup

Deux histoires « pour les enfants qui aiment déjà lire tout seuls ».

Le panier et La sorcière, sa fille et le loup, agréablement illustrés, répondent aux critères de ceux qui recherchent des livres pour les enfants commençant à lire. Ces derniers seront heureux d’avoir entre les mains de petits romans pour lire comme les grands.

Dans Le panier, la vieille sorcière trouve un bébé qui réussit à se faire adopter.

Cette même vieille sorcière et sa fille rencontrent dans le deuxième livre un loup vieilli mais toujours affamé, qui accepte de leur laisser la vie sauve à condition que la sorcière lui fasse la cuisine. Les repas quotidiens donnent l’occasion au loup et à la petite fille de faire plus ample connaissance. Ici aussi, on finira bien par s’adopter…

Le panier, texte : Jean  Leroy, illustrations : Matthieu Maudet, École des loisirs, collection Mouche (7 à 10 ans), 6,60 €, 2012.

 La sorcière, sa fille et le loup, texte : Jean  Leroy, illustrations : Matthieu Maudet,

École des loisirs, collection Mouche (7 à 10 ans), 6,50 €, 2014.

ClaireD