Archives pour la catégorie Critiques

Citation

Enfant, quand je posais des questions à mon grand-père, il disait toujours :

“Mon petit-fils, si je te réponds, tu n’auras que ma vérité.

Alors qu’il y a trois vérités : ma vérité, ta vérité, et la vérité.

Pour répondre à ta question, je vais te raconter une histoire qui sera ma vérité, peut-être qu’elle t’aidera à trouver ta vérité.

Si tu trouves ta vérité, peut-être qu’un jour nous irons vers la vérité. ”

Hassane Kassi Kouyaté, A propos des contes, post-face du livre-CD Le ventre de l’arbre

Malika Ferdjoukh, La bobine d’Alfred

Gustave Bonnet, cuisinier passionné de cinéma, se voit proposer une place chez une ancienne star de cinéma muet. Et voilà le père et son fils Harry transplantés de Montmartre à Los Angeles, ses stars, ses voitures, ses rues, son luxe.

On plonge avec Harry et avec délice dans l’univers du Hollywood des années 60. L’auteure nous fait côtoyer le grand maître du suspens lors d’un tournage nocturne et secret. Truffé de références à l’univers hitchcockien, le roman de Malika Ferdjoukh rend malicieusement hommage à son oeuvre.

Sur le site de l’école des loisirs, pour prolonger la lecture du roman, un quizz permet de tester ses connaissances sur les films hitchcockiens.

La bobine d'Alfred

La bobine d’Alfred, Malika Ferdjoukh, École des loisirs, 2013, à partir de 12 ans, 14€

ClaireD

J’habite ici, Michel Van Zeveren

Un chasseur au gros fusil est ébranlé dans ses certitudes.

L’album de Van Zeveren n’est pas seulement drôle, il invite à une certaine humilité. Un gros fusil, une grosse bagnole, une grosse baraque ou un gros salaire peuvent parfois donner l’impression d’être le roi, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que des autres, il faut bien faire cas.

Un texte bien cousu et un trait clair au service de l’expressivité nous invitent à méditer le message.

À la petite toute petite souris revient l’honneur d’ouvrir et fermer le livre… en toute humilité. À l’intérieur de l’album, n’oubliez pas de la chercher.

ClaireD

Michel Van Zeveren, J’habite ici, École des loisirs, 11,50€, dès 3 ans

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Facile à trouver, facile à manquer

On ne saurait dire où les mots de Jürg Schubiger, tout à la fois amusants et déconcertants, nous mènent. Du côté du profond en tout cas. Mais aussi du côté de l’élevé. Ni tout à fait récit, ni tout à fait philosophie, ce petit livre de sagesse caresse l’âme. L’expérience est singulière, précieuse. Les personnages, tout archétypiques qu’ils puissent paraître, prennent leur envol littéraire. Le texte fabuleux est génialement illustré par Jutta Bauer.

Deux grands noms de la littérature allemande pour la jeunesse sont réunis dans cet ouvrage de la collection Philo et autres chemins…

Jürg Schubiger, Jutta Bauer, Facile à trouver, facile à manquer, La joie de lire, à partir de 16 ans

ClaireD

Promenade de la petite fille

La lecture de ce bel album animé constitue une balade littéraire à la fois mystérieuse et rassurante, aux côtés d’une petite fille présentant des traits communs avec Boucle d’or, Poucette ou Alice. Nathalie Lété nous promène dans un décor au charme vintage, parmi une faune et une flore foisonnantes et colorées. Les mécanismes imaginés par Marion Bataille tombent parfaitement sous le sens et la main.

On peut, grâce à cette bande-annonce, commencer à admirer ce bel objet.

Promenade de la petite fille, Nathalie Lété, avec des mécanismes de Marion Bataille, Les fourmis rouges, 18,50€, dès 2 ans

La folle journée de Mister Tweed, Jim Stoten

Avec un flegme et une allure très british, le sympathique Mister Tweed (qu’on a envie de faire parler avec l’accent) se promène. Au fil des pages et de sa promenade, il rend service à ses amis qui ont tous perdu quelque chose. Pour le lecteur, il s’agit de participer à la recherche des objets perdus dans les foisonnants décors. Un très plaisant cherche-et-trouve au graphisme et aux couleurs rétro.

ClaireD

La folle journée de Mister Tweed, Jim Stoten, Autrement, 14,50€, dès 3 ans

Des signes et moi, Cendrine Genin, Séverine Thévenet

Des signes et moi est un imagier qui sort du commun. L’image de droite est une photo en noir et blanc d’un enfant signant. En vis-à-vis, des photographies en couleur illustrent les mots par une représentation, une mise en scène, ou une composition plastique. Les enfants experts en langue des signes photographiés et mis en scène par Cendrine Genin et Séverine Thévenet nous offrent une danse des mains et du corps que l’on a aussitôt envie d’imiter.

ClaireD

25page escargot print

Cendrine Genin, Séverine Thévenet, Des signes et moi, Éditions âne bâté, 12,90€

Adam et Thomas, Aharon Appelfeld

Le grand écrivain israélien Aharon Appelfeld, que beaucoup disent nobélisables, a publié son premier roman pour la jeunesse. Dans un entretien avec sa traductrice Valérie Zenatti, il a cette formidable phrase :

« Quand on atteint mon âge, soit plus de 80 ans, on commence à comprendre toutes sortes de choses et l’on est peut-être capable d’écrire enfin sur les enfants, et pour eux. »

Ce livre-trésor sur l’enfance et pour l’enfance a cette puissance de la chose aboutie. En le refermant, on se dit que tout y est, qu’il n’y a rien à changer. Une image forte et pérenne en ressort, celle de deux enfants dans la forêt. La langue est simple, profonde. Les illustrations de Philippe Dumas finissent de nous illuminer. Sur fond de seconde guerre mondiale, Appelfeld, se référant à sa propre histoire, nous conte la survie de deux enfants juifs réfugiés dans la forêt, et qui attendent le retour de leur mère. L’attente sera longue et les saisons se succèderont. Adam et Thomas vont subir la peur, le froid, la faim, mais ils vont apprendre de la nature, se découvrir l’un l’autre, et se découvrir chacun. Ce récit par moment panthéistique au cœur de la forêt nous élève. Porteur de grandes questions, il distille espoir et confiance. Et de cette aventure difficile, ce sont surtout les petits miracles que l’on retient, et la présence bienveillante, vitale de l’autre.

Adam et Thomas, Aharon Appelfeld, illustrations de Philippe Dumas, école des loisirs, 15€, à partir de 10 ans.

ClaireD

Le château des pianos, Pierre Créac’h

Les amateurs de piano ont avec l’album-CD de Pierre Créac’h de quoi se réjouir : une histoire entre manuel pour futur compositeur et fable onirique autour de la musique, une grande diversité de morceaux du répertoire pianistique, de belles images en noir et blanc, et la formidable interprétation de Pierre Arditi pour porter le tout.

Le château des pianos, album-CD de Pierre Créac’h, dit par Pierre Arditi, Sarbacane, 29,90€, à partir de 6 ans.

ClaireD

Le langage des contes, Elzbieta

Il faut lire des contes aux enfants. On sait, on sent, on affirme que ces histoires leur sont essentielles. Mais parmi le foisonnement de publications destinées à la jeunesse, on ne revient peut-être pas suffisamment au conte. Merci à Elzbieta de nous rappeler l’importance du conte, de lancer un plaidoyer pour l’imaginaire, et de proposer de nouvelles raisons de les aimer.

Elzbieta s’était déjà livrée à une réflexion autobiographique sur son travail d’artiste et d’auteure-illustratrice (L’enfance de l’Art, 1997). Dans son dernier essai, elle interroge le langage des contes. L’essence du conte réside en effet, selon elle, dans un langage : c’est parce que le conte ne dit pas tout qu’il parle à l’enfant. Le conte, sans explications, répond aux questions de l’enfant, et le sécurise en ce qu’il lui permet de construire l’idée de justice (les méchants sont toujours punis et les bons récompensés).

« De même que nos rêves, les contes ne mentent pas. L’usage consolateur intime, le travail caché de la pensée, que le conte – et sa répétition – suscite, demeurent dans le non-dicible, mais les enfants sentent intuitivement que ces récits-modèles abordent discrètement des questions qui méritent examen. » (p. 85)

D’ailleurs, n’y aurait-il pas derrière tout ça, se demande Elzbieta, une « science dissimulée » ?

Le langage des contes, Elzbieta, Le Rouergue, 2014, 15€.

On peut entendre, en 5 minutes (durée de l’émission d’Aude Lavigne), Elzbieta parler de cet essai et de sa vocation :

http://www.franceculture.fr/emission-les-carnets-de-la-creation-elzbieta-auteure-jeunesse-a-l%E2%80%99honneur-du-salon-du-livre-et-de-la

ClaireD