Tous les articles par croquelinottes

Rien n’arrête Bidule Chouette

Rien n’arrête Bidule Chouette… et on ne l’attend pas au tournant ! La couverture invite à suivre Bidule Chouette, à entrer dans sa course et dans le fol imaginaire des trois histoires en bandes dessinées qui constituent cet album. On ne peut pas soupçonner où chacune d’elle va nous mener.  Elles ont en commun l’intrusion subite d’un horrible monstre baveux qui veut dévorer l’appétissant Ramone, ami de Bidule Chouette. riennarreteElles ont également en commun une issue très originale : Bidule chouette a toujours un moyen étonnant de sortir son ami du ventre du monstre.

Cati Baur, Gwendoline Raisson, Rien n’arrête Bidule Chouette !, L’école des loisirs, 12,70€

Le premier camping de Nao, Akiko Hayashi

Dormir sous la tente, c’est se rapprocher de la terre, sentir vraiment la nuit et le jour qui se lève. On quitte, avec plaisir parce que momentanément, son confort pour se retrouver homme de la nature. Nao, que les grands du village trouvent trop petite pour l’emmener, sent bien qu’il y a une aventure à vivre au camping. Elle fait des pieds et des mains pour suivre les plus grands, prend sur elle pour ne pas pleurer à la moindre occasion, participe du mieux qu’elle peut à la préparation du repas. En réussissant à aller faire pipi toute seule dans la nuit, elle franchit un cap, elle prouve et se prouve qu’elle a grandi.

Le premier camping de Nao raconte un moment, une aventure belle parce que simple, de celles qui restent gravées dans la mémoire. La simplicité du récit, relayée par celle des traits et des couleurs, sied à ce genre de moments dans l’enfance qui prennent de l’importance dans la perception, donnent de la matière au souvenir de l’adulte.

Akiko Hayashi, Le premier camping de Nao, L’école des loisirs, 1986, réédition 2014, 12,50€

Lire en VO

Quand on n’est pas parfaitement à l’aise dans une langue étrangère, l’effort que demande la lecture en VO rebute et fait souvent procrastiner… J’ai donc beaucoup apprécié le principe de la collection Dual Book chez Talents hauts : un chapitre sur deux en anglais/allemand/espagnol, every other chapter in French. Pour connaître la suite de l’histoire, il est nécessaire de passer De l’Une à l’Autre Langue (DUAL). Des “Mini Dual Books” accessibles à partir du collège jusqu’aux “Dual Books +” destinés aux lycéens et adultes, la collection propose des histoires inédites écrites dans une langue simple par des auteurs bilingues.

C’est simple mais efficace, bien plus à mon avis que la lecture bilingue qui fait se confronter le texte original et sa traduction sur la même double-page. La lecture en français, un chapitre sur deux, permet d’entrer dans le récit, de savoir de quoi on parle, de remettre les pendules à l’heure, la lecture en langue étrangère s’en trouve alors grandement facilitée. Au final, on a de quoi être content de soi : on a (presque) lu un livre en langue étrangère!

Camille et Jeanne s’entendent bien, Laurent Simon

Vous remplacez les prénoms Camille et Jeanne par les prénoms de deux cousines de votre entourage enfantin. Si elles se côtoient très régulièrement depuis leur plus tendre enfance, si elles ont à peu près le même âge, il y a de fortes chances que, comme Camille et Jeanne, elles s’entendent bien. Dans cette mesure, il y a de fortes chances qu’elles aient créé un univers, un langage, des jeux, une logique que vous soupçonnez mais dans laquelle vous n’entrez pas. Camille et Jeanne, c’est nous, mes sœurs et moi, c’est ma fille avec ma nièce, ce sont les deux voisines, les filles de ces deux couples d’amis. Il y a de fortes chances pour que vous vous y retrouviez aussi.

Parfois, on entend des bribes de conversation complices entre enfants, on passe à côté, il arrive qu’on soupçonne quelque chose de très drôle. Certaines personnes sont plus à même de les apprécier. Laurent Simon doit être de ces personnes qui comprennent ces échanges, sont même capables d’entrer dans la logique, en saisissent l’intérêt, et la beauté. L’auteur-illustrateur a vu, vécu, entendu ces moments d’immense complicité, il a le talent de sortir par les mots et le dessin le résultat de ses observations. Son album pointe du doigt la saveur de ce quotidien qu’on passe avec les enfants avec une tendance à le survoler.

Que fait-on avec sa cousine complice ? Comme Camille et Jeanne dans ces huit courts récits de six planches, on met une robe qui tourne, on prend le bus, on va dormir, on prend son bain ! Le bain… moment de complicité par excellence. Camille et Jeanne, sans jamais se laisser distraire par la main adulte qui les frotte, les savonne, les rince, les essuie, inventent un jeu de marchande dans laquelle les ingrédients finissent par sortir de leur imagination, et c’est un bonheur de langage !

À la lecture de ces planches, on rit, on est ému, on nostalgie. On nostalgie de son enfance, de celle de ses propres enfants. Nul ne guérit de son enfance, mais quand elle ressemble à celle de Camille et Jeanne, c’est tant mieux.

Laurent Simon, Camille et Jeanne s’entendent bien, Hélium, 2013, 12,50€

ClaireD

La lettre d’Elisabeth

Savoureuse petite lecture à partir de 8 ans.

En peu de pages, avec une écriture efficace, travaillée, souvent drôle, Emmanuelle Cosso-Merad campe d’exquis personnages. On sent que l’auteure aime ses personnages : Élisabeth, la petite fille, et José, le formidable facteur qui a « beaucoup de conversation » et va aider Élisabeth à réaliser son vœu. Elle a aussi de l’affection pour le père d’Élisabeth, doué dans son métier de cordonnier, mais bloqué sur le plan de la lecture et de l’amour. La jolie Marie, modiste jamais à court d’idées, débloquera les deux plans à la fois !

Emmanuelle Cosso-Merad réussit à s’adresser à un jeune lectorat sur le sujet de l’illettrisme, sans passer par la case moralisatrice, sans plonger dans la case gnan-gnan, en évitant la case tout blanc tout noir, en contournant aussi celle du politiquement correct.

Emmanuelle Cosso-Merad, La lettre d’Élisabeth, Flammarion, Castor Poche, 5,60€

ClaireD

 

Angel, l’indien blanc, François Place

Unanimité du comité de lecture pour le dernier roman de François Place.

Au héros surnommé Angel, né du viol de sa mère française par un indien, peu de choses sont épargnées. Il perd sa mère, est fait esclave, et s’embarque clandestinement pour un voyage dont personne ne peut imaginer la rudesse.

Sur le Neptune, voilier qui transporte des savants vers la Terre australe dont ils ignorent tout, les spéculations sur les peuples qu’ils pourraient y rencontrer vont bon train. Mais les hommes à deux bouches dont ils vont faire la connaissance ébranleront leurs convictions. On pense aux peuples chamaniques qui font parler d’autres voix, au chant diphonique des Mongols. Le roman raconte la confrontation de l’esprit savant, scientifique du siècle des Lumières avec des peuples qui mettent en avant les esprits et les rêves.

Au cœur de ces Terres australes glaciales et brouillardeuses, parmi les Woanoas, ce peuple à deux bouches, l’atmosphère est un peu inquiétante. Toutes les épreuves, physiques et psychologiques, vont conduire Angel à déployer tout le courage dont il est capable. Sous la plume de François Place, un héros naît. La langue de l’auteur, qu’on savoure à chaque fois, rappelle ici les grands romans d’aventure.

La très belle fin anime le tout d’une touche politique. La critique des savants, des puissants transparaît et fait entendre le roman comme une célébration de la curiosité, un hymne à la rencontre.

François Place, Angel, L’indien blanc, Casterman, 15€, à partir de 12 ans

ClaireD

Germano Zullo, Albertine, Le génie de la boîte de raviolis

Le duo Germano Zullo / Albertine fait des merveilles. Dans les albums qu’ils cosignent à La joie de lire, le dessin d’Albertine se fait complice du texte de Germano Zullo, mots et images s’entendent pour libérer toujours beaucoup de poésie, beaucoup d’humour et beaucoup de force. L’admirable album Les oiseaux avait reçu le prix Sorcières 2011. Les gratte-ciel, fable sur la vanité, subjugue par sa réflexion formelle. On se fera une belle idée de ce travail à quatre mains sur le site d’Albertine.

Le Génie de la boîte de raviolis, aujourd’hui réédité dans la collection Somnambule, est une bande dessinée espiègle, comme son titre l’annonce. Employé dans une fabrique de raviolis, Armand tamponne à la chaîne le jour, rentre le soir dans sa cité-dortoir, s’occupe de sa fleur et s’ouvre, quand il a faim, une boîte… de raviolis. Un jour, un génie jaillit de la boîte, lui promettant d’exaucer deux vœux.

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Les choix d’Armand, simples et inattendus, correspondent à sa représentation du bonheur : loin de tout matérialisme, de toute envie de pouvoir, Armand souhaite se trouver dans la nature et manger un bon repas. La fin, qu’on ne livre pas, est tout aussi badine, inattendue, et tout aussi profonde… Finalement, qu’est-ce qui rend le plus heureux ? Un voyage dans l’espace, une montagne d’argent, ou un bain de pied dans l’eau d’un ruisseau ?

Le court-métrage Le Génie de la boîte de raviolis, adapté de l’album éponyme, a été primé au Festival international du film d’animation d’Annecy et a reçu le Prix Canal +.

ClaireD

Germano Zullo, Albertine, Le Génie de la boîte de raviolis, La joie de lire, coll Somnambule, 2014, 10€

Germano Zullo, Albertine, Les gratte-ciel, La joie de lire, 2011, 18€

Germano Zullo, Albertine, Les oiseaux, La joie de lire, 2010, 14€20