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Livres de chansons

On parle livres aujourd’hui (ah ben ça alors?), mais livres de chansons (ah tiens?). Livres de chansons traditionnelles, comme il en existe depuis très longtemps, livres du coin du feu, livres de veillée, livres sur le pupitre du piano. Ceux qui aiment chanter, avec ou sans public, ouvertement ou en secret, trouveront de quoi se sustenter dans les recueils de chansons. Même sans cheminée, même sans piano, il y a énormément à partager autour d’un livre de chansons.

On appellera ces chansons « d’enfance », « traditionnelles », « pour les petits Français / Allemands / Russes », « du répertoire », « du patrimoine », ou même « du bon vieux temps », peu importe leur qualification, le tout est qu’elles soient « partagées ». Ce répertoire de tradition orale est celui qui ne peut être traduit d’un pays à l’autre, celui qui crée connivence entre les natifs d’un pays et entre les générations.

Le recueil permet de piocher, de se rappeler un titre qu’on avait enfoui loin dans notre mémoire et qui resurgit avec bonheur, de découvrir vraiment les paroles d’une chanson dont on n’a jamais connu que le début, ou le refrain. Loin d’être simplistes, les textes de chansons traditionnelles recèlent souvent des sens cachés qui nourrissent l’imaginaire de chaque lecteur/chanteur.

Comme les contes traditionnels, les chansons font souvent l’objet de reprises, qui participent de leur périple entre l’oral, l’écrit, le populaire, le savant. Les illustrateurs s’approprient ce répertoire et l’interprètent à leur façon. Le recueil de chansons, tout en gardant la trace du passé, redonne une nouvelle vie au répertoire traditionnel.

Certains recueils sont organisés selon les types de chansons, comptines, berceuses, jeux dansés, etc.

D’autres suivent le cycle des saisons, du printemps à l’hiver. Chez Père Castor, chez Gallimard, chez Milan, chez Nathan, tous les recueils sont bons à prendre, du moment qu’ils génèrent le plaisir de chanter ensemble.

ClaireD

Comme des images, Clémentine Beauvais

commedesimagesDis, Clémentine, tu veux bien être ma copine ? Clémentine Beauvais a tout pour plaire, jeunesse, talents, beauté ; alors plutôt que de me laisser happer par la jalousie, je choisis de m’en faire une amie. Et à partir de maintenant, c’est-à-dire maintenant que j’ai lu un de ses romans, je décide de la suivre, j’attendrai ses prochaines publications avec enthousiasme.

En commençant Comme des images, je m’attendais à un roman ado sympa, qu’on lit avec plaisir, qu’on oublie vite. On le lit vite, c’est sûr, on le dévore. On ne l’oublie pas si vite.

Le décor est celui du lycée Henri IV, et les protagonistes sont des lycéens de ce prestigieux établissement. Parce qu’ils évoluent dans ce monde, la plupart du temps depuis leur naissance, ils sont promis au plus bel avenir. Ils sont pourtant parfois tout aussi désemparés que les autres adolescents face aux questions de la vie, et souvent plus soumis au formatage et à la pression. L’auteur possède la pleine conscience du monde on ne peut plus contemporain qu’elle dépeint. Cette lucidité est déjà remarquable mais c’est le recul dont Clémentine Beauvais se montre ici capable qui donne au roman sa subtile substance. Le lecteur ressent cette proximité avec les états d’âme des personnages et n’en est que plus troublé. Construit avec intelligence, complexe et judicieux du point de vue de la narration, Comme des images interroge notre rapport à l’image, aux images. Il redit que toutes ces images, de soi, des autres, sont bien souvent illusoires et qu’elles conditionnent notre rapport dramatiquement artificiel aux autres.

Clémentine Beauvais, Comme des images, Sarbacane, 2014, 14,90€.

ClaireD

Lola Folding, livre-CD

Dans une réjouissante ambiance rock loufoque quasi psychédélique, on écoute l’histoire de Lola, petite fille de neuf ans, qui s’aventure au sens propre dans l’album de photos interdit de sa grand-mère. C’est ainsi qu’elle fait plus ample connaissance avec sa farfelue famille, découvre d’où vient la singularité de chacun de ses membres, et trouve des réponses à ses questions sur la mémoire, la vieillesse, les souvenirs. Les musiques tendance rockabilly, la belle voix du chat-narrateur, la galerie de personnages saugrenus font le charme de Lola Folding. On y trouve aussi du mystère, en la personne d’une inquiétante femme poussière.

Ce livre-objet très harmonieux, présenté sous coffret, se déplie en un grand leporello, avec de belles illustrations de Mara Cerri.

Lola Folding est aussi un spectacle du groupe genevois Brico Jardin.

Lola Folding, conte pop-rock (dès 7 ans) de Brico Jardin (texte de Marc Jeanneret, musique de Simon Aeschimann) illustré par Mara Cerri, Editions Notari, 2014, 28€.

ClaireD

 

 

14-18, Dedieu

À moi aussi, les mots manquent. J’ai reçu une claque.

L’album de Dedieu, immense, nous confronte à l’horreur.

Voici l’incipit : « Hélas, ma chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. »

Gustave, auteur de la laconique lettre, se tait. Et la guerre est racontée par les images, poignantes parce que sublimes et terrifiantes. Et l’horreur croît, de pages en pages, jusqu’aux deux images finales, difficilement supportables.

L’enveloppe fixée sur la couverture donne le point de vue d’Adèle qui, de l’autre côté, subit aussi, mais d’une autre façon, la guerre.

14-18Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux, Seuil, 18€, à partir de quel âge ?… pas trop tôt, le plus tard possible en fait…

ClaireD

 

Le baron bleu

Un baron se met à larguer de son avion ce qu’il a à sa disposition pour participer à l’effort de guerre : des livres, toutes sortes de livres. C’est presque par hasard qu’il découvre que ses projectiles peuvent provoquer des effets inattendus, jusqu’à l’arrêt des combats.

On a déjà vu des livres traiter de la force des livres et ce thème pourrait finir par devenir agaçant de bons sentiments. C’est parce qu’il emprunte un chemin évitant la facilité que Le baron bleu retient l’attention.

La première page est une planche de bande dessinée couleur sépia. Changement de cap, déviation : dès que le baron entre en scène, dans son avion, le compartimentage en vignettes est abandonné et chaque image s’étale, à fond perdu, sur l’espace coloré de la double-page : comme le baron, le lecteur est invité à prendre un peu de hauteur.

L’emploi du passé simple, les phrases courtes, les relations de cause à effet donnent l’illusion d’un récit d’exploit de guerre. Mais le lecteur est embarqué dans un tout autre type de récit, qui réjouit par son côté farfelu.

Pas dupes sur la difficulté à traiter le sujet, celui du poids des mots, Baum et Dedieu évitent le premier degré. C’est dans cette apparence de simplicité qu’il faudra chercher le message. La simplicité du style façon compte-rendu fait d’autant mieux ressortir les jeux de mots et partant, ce fameux poids des mots.

Comme le baron, le lecteur est amené, presque par hasard, à cette conclusion : les livres ne sont pas des projectiles comme les autres.

Le baron bleu, Baum, Dedieu, Seuil jeunesse, 2014, 12,90€, dès 5 ans

ClaireD

Flon-Flon et Musette

Petit miracle que ce livre. Elzbieta y réussit le tour de force de parler vrai, même aux plus petits, d’une grave réalité. Avec la bonne distance, mais en la nommant, elle fait de la guerre le sujet de son livre. Dans les illustrations, cette distance est figurée par la fenêtre, cadre de sécurité, et les voiles des rideaux, atténuateurs de malheur.

La guerre sépare Flon-Flon et Musette, fait partir le père de Flon-Flon, mais les deux amis se retrouvent, le père rentre, et l’espoir est présent.

Une phrase magnifique mérite d’être citée : « Les enfants sont trop petits pour réveiller la guerre. »

Hugo, Prévert, Éluard, mais aussi Dolto, auraient certainement aimé.

Elzbieta, Flon-Flon et Musette, L’école des loisirs, 5,60€, dès 4 ans (première parution 1993, sélection Éducation Nationale pour le cycle 2)

ClaireD

Zoom, Istvan Banyai

Sorti en 1995, Zoom, publié dans 18 pays, est devenu un bestseller international. Ce succès s’explique aisément par l’expérience, universelle, que cet incroyable album sans texte fait vivre et qui peut être partagée par les enfants et les adultes. Il fonctionne sur un principe, le zoom arrière. Chaque image est comprise dans une autre :

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Du vertige en papier.

Zoom, Istvan Banyai, Circonflexe, 13€, à partir de 4 ans

ClaireD