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L’enfant phoque, Nikolaus Heidelbach

L’enfant phoque de Nikolaus Heidelbach ne m’a visiblement jamais quittée : il est remonté à la surface, il m’est revenu en tête à l’occasion du très beau film Le chant de la mer en ce moment sur les écrans. Totalement envoûtant, l’album se réfère – comme le film de l’irlandais Tomm Moore – à la légende des « selkies », ces créatures mi-femmes, mi-phoques du folklore celtique. Ai-je été fascinée à cause de cette mystérieuse légende ? Est-ce parce que cet album fait du lecteur un chasseur de sens ? Est-ce parce que, comme de nombreux ouvrages de l’auteur-illustrateur, il interroge finement les rapports familiaux ?

ClaireD

Nikolaus Heidelbach, L’enfant phoque, Les grandes personnes, 2011, 13€.

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Papa-île

« Le père est mort, vive les pères ! » C’est ainsi qu’André Rauch, dans Pères d’hier, pères d’aujourd’hui, résume la mutation qui s’est opérée récemment dans l’histoire de la paternité, depuis le paterfamilias romain jusqu’aux « pères-IAD » (insémination artificielle avec donneur) (RAUCH, André, Pères d’hier, pères d’aujourd’hui, du pater familias au père ADN, Paris, Nathan, 2007).

L’album d’Émile Jadoul met en scène un de ces nouveaux papas. En filigrane, il dit bien qu’être père en 2014, c’est devoir répondre à un certain nombre d’injonctions. Le rôle social du père traditionnel ayant été ébranlé, la paternité s’expose désormais au jugement moral : il faut être un « bon » père. Or, le super papa joue au foot, plonge, bricole. Et quand on ne fait pas tout cela ? Émile Jadoul suggère d’autres façons d’être papa : papa-île, papa-cheval, etc. Libérés de ces injonctions, de nombreux papas se retrouveront dans ces façons-là.

ClaireD

Émile Jadoul, Papa-île, Pastel, 2014, 12,50€

UNE VIE EN CROBARDS

UNE VIE EN CROBARDS
Jacqueline Duhême/ Gallimard/19,90 euros

Le plaisir pris, à plonger, entre autres, dans les univers de « Grain d’aile », « L’opéra de la lune », « Tistou et les pouces verts » sur les textes d’ Eluard, de Prévert, de Druon et imagés par Jacqueline Duhême, est resté entier, toutes ces années .. Peintures naïves, si riches, de cette Grande Imagière, pleines de vie, de douceurs, de couleurs, de détails nous accueillaient chaleureusement et nous embarquaient aussitôt dans un imaginaire… bien réel pourtant !
Alors quelle jubilation de l’écouter nous raconter sa vie.. L’écouter ?! Oui, paradoxalement ! Le papier kraft crée une proximité, une simplicité qui nous donne l’impression d’être assis à sa table…Rien que pour nous, elle dessine et écrit tout ce dont elle nous parle comme une mère déroulerait le fil de sa vie à son enfant..
Nous voilà redevenus petits.. rien d’étonnant… « Je ne sais en quel temps c’était, je confonds toujours l’enfance et l’Eden, comme je mêle la mort à la vie, un pont de douceur les relie » . Saisis par l’émotion en découvrant une résiliente.. « Ce que j’avais à faire, je l’ai fait de mon mieux. Le reste est peu de chose.. » On sait alors
pourquoi on est si touchés par ses « crobards », d’où vient cette densité si légère !
Etourdis aussi par toutes ses rencontres. On peine à la suivre parfois.. Mais tellement heureux à travers son fabuleux parcours, de croiser des noms, des personnes qui ont compté pour nous aussi, spectateurs de la grande histoire, ou tout au moins culturelle : peintres, poètes, écrivains, éditeurs, journalistes, politiques…Eluard, Matisse, Picasso, Prévert, Badinter.. etc.
Et l’on referme le livre, toujours petits devant ce beau portrait de femme…
C’est pour mieux l’ouvrir à nouveau.. laissant filer les alignements de son écriture, notre œil s’arrête et savoure ses peintures… un instant, le temps est suspendu !
Merci Madame Duhême !

Sylvie Heyraud

Blaise et le kontrôleur de Kastatroffe, Claude Ponti

Lire le dernier Ponti, lire Ponti, relire Ponti, voire reprendre le premier Ponti. La relation métonymique entre l’artiste et l’œuvre est significative de la présence d’un style. On lit Balzac, on regarde un Truffaut. Dans le cas des albums de Claude Ponti, il y a bien longtemps qu’on ne s’encombre plus de la désignation de l’objet… Ainsi, on ne sera pas surpris de trouver Ponti sur l’étagère, on ne s’étonnera pas qu’il puisse se trouver au fond de la valise, ou entre les mains de son ami!

Ponti, c’est une oeuvre, c’est aussi une langue. Car lire Ponti, c’est aussi lire en ponti, une langue seulement pratiquée par les adeptes.

Et c’est toujours un grand bonheur de retrouver cette langue. Blaise et le kontrôleur de kastatroffe est parsemé de ces géniales tournures dont l’auteur nous abreuve : « un orage éclate en tonnerre de foudre », « les poussins se sauvent qui peut ».

Claude Ponti nous fait encore une fois cadeau d’un riche album, rempli de poussins et de monstres qui remplissent leur rôle cathartique de monstre sans être effrayants. L’aventure est menée par Blaise qu’on est drôlement joyeux-content de retrouver.

ClaireD

Claude Ponti, Blaise et le kontrôleur de kastatroffe, École des loisirs, 19,80€, à partir de 5 ans

Dilemme…

Bon, alors, je lui offre quoi, à ma nièce ? Le livre ou l’adaptation en BD ? Je prends les romans Enid, Hortense, Bettina, Geneviève, ou les bandes dessinées de Cati Baur ?

Lorsque j’ai découvert la bande dessinée tirée des Quatre sœurs de Malika Ferdjoukh, je me suis dit, sans vraiment croire à ce miracle, que c’était peut-être encore mieux que les bouquins. Mais quand je reprends les livres de Malika Ferdjoukh, je ressens la peur associée au livre génial : la peur que quelque chose vienne interrompre ma lecture…

Bon, JE FAIS QUOI ??!!

ClaireD

Malika Ferdjoukh, Quatres sœurs, tome 1 Enid / tome 2 Hortense / tome 3 Bettina / tome 4 Geneviève, 8 / 8,50 / 9€, ou L’intégrale en grand format, 19,80€, École des loisirs

Malika Ferdjoukh, Cati Baur, Quatres sœurs, tome 1 : Enid, 15€, tome 2 : Hortense, 15€, Rue de Sèvres

ABRIS

ABRIS
Emmanuelle Houdart/ Editions Les Fourmis Rouges

On ouvre.. et voilà une ribambelle de déclinaisons de « qu’est-ce qu’un abri ? » comme autant de vrais tableaux, qui se déroule selon une frise du temps, des âges… en commençant par une merveilleuse naissance dès la création de l’album, sur la couverture.. On comprend tout de suite que l’on entre dans quelque chose de grand !

Un grand format… pour un album au grand cœur ! Généreux !
Un grand format… qui cueille, accueille le lecteur, petit ou grand !
… pour mieux l’étreindre entre ses mains.
Un grand format…. pour plonger encore plus dans le foisonnement magnifique de détails.
Un grand format.. pour des petites phrases et des grandes réflexions sur la notion même d’abri, à déguster entre soi pour se questionner intimement et laisser résonner les suggestions ou à partager « blottis l’un contre l’autre » comme la quatrième de couverture invite à le faire.
Un grand format.. pour la grande histoire de toute une vie.. tout simplement.
Un grand format.. pour se laisser porter, léger, si léger..
et s’élever telle une grande montgolfière… de celles d’Emmanuelle Houdart qui prennent leur envol comme autant d’abris tout ronds, donnant le ton, d’entrée de jeu..
Un très très grand album où le lecteur se sent bien, si bien .. qu’aussitôt sorti, il y revient… comme dans un abri !

Sylvie Heyraud.
ABRIS
Emmanuelle Houdart/ Editions Les Fourmis Rouges/17,90 euros.